Un stage de nivologie et conduite de courses s’est tenu du 8 au 10 janvier 2021. En voici le compte-rendu.
Comme l’obligent les consignes sanitaires, c’est par visio que le groupe se réunit pour la première fois. Quatre personnes participent comme stagiaires : Cécile, Maixent, Maud et Muriel. Ils sont encadrés par Bertrand, guide de haute-montagne, et Damien, initiateur ski de randonnée. Ce premier échange vise à expliquer le déroulement du stage, lister le matériel nécessaire et se répartir les tâches. Vivement le stage.
Alors que chacun s’affaire à préparer ses bagages et se procurer le matériel adéquat, une mauvaise nouvelle tombe. Cas contact avec une personne testée positive au coronavirus, Cécile, contrainte à s’isoler, doit déclarer forfait. On ne peut faire courir le risque d’une éventuelle contamination. Le stagiaires ne seront finalement que trois. Qu’à cela ne tienne, chacun se rend vers le point de rendez-vous.
18h30. Un nuit glaciale s’est abattue lorsque le groupe se réunit en gare de St-Gervais-les-Bains—Le Fayet. Bertrand et Damien accueillent les stagiaires à la descente du train. Une voiture a été louée pour l’occasion. Un tour au supermarché plus tard, notre groupe prend possession de son hébergement. Pour les trois nuits prévues sur place, direction le gite en gestion libre Les Cristaux à St-Gervais-les-Bains. Ce charmant logement sera donc le camp de base à partir duquel les courses de ski de randonnée seront préparées par les stagiaires.
En effet, avant même leur arrivée, les trois stagiaires sont mis à contribution. Dès le matin, Bertrand les a informé par message de la destination : le rocher des Enclaves depuis Hauteluce Les Granges. La consigne est de préparer collectivement la sortie en appliquant la méthode des trois filtres décisionnels, définir un plan A et un plan B, en marquant les points de décision et les passages clés. Prévisions météo, topo de l’itinéraire, bulletin de risque avalanche (BRA) du jour… Bertrand leur donne toutes les infos utiles pour se faire un avis éclairé.
Après l’installation dans le gite, les échanges commencent. Carte à la main, les stagiaires s’interrogent : que peut bien réserver ce vaste terrain orienté nord-ouest ? Comment interpréter les prévisions ? Quel itinéraire emprunter, avec quelles alternatives ? Nourrie par les conseils avisés de Damien, la réflexion se poursuit et abouti à une première planification. Il faudra de toute façon réévaluer ces choix sur place, le lendemain matin. Absorbés par les discussions, les stagiaires en oublient même de prendre l’apéro ! Un diner vite avalé, il est temps de préparer les sacs pour le lendemain et de se mettre au lit… C’est que le réveil va sonner tôt !
Après avoir retrouvé Bertrand sur la route, le groupe prend la direction du hameau des Granges à Hauteluce. Bertrand profite de la route pour écouter l’avis des stagiaires. D’après lui, c’est une sortie peu fréquentée où on peut espérer ne pas trouver de traces. L'orientation est plutôt propice au bon ski et l'itinéraire est intéressant pour la conduite de course. Pendant le trajet, le jour se lève progressivement. Les conditions météo sont optimales : c’est la journée de la semaine.
9h30. Voiture garée, peaux de retenue fixées au ski, le groupe s’élance dans les pentes forestières qui surplombent le hameau situé à une altitude de 1156 mètres. Muriel mène le groupe sur les premiers kilomètres. Bertrand, lui, comme a son, habitude, ferme la marche. La pente est soutenue, essentiellement en sous-bois. Nous ne sommes pas les premiers, la trace est déjà bien marquée. La progression, sur une neige parfois glacée, est technique. Plus tard dans la matinée, nous atteignons La Commanderie, puis rejoignons des pentes douces et larges. Nous cheminons vers le sud, tantôt au fond, tantôt à flan, jusqu’au plan de la Mouille, vers 1980 m. Il est désormais possible d’apercevoir le col du Sallestet, à 2111 m, que l'on atteindra par la suite. De ce point, nous contournons d’imposantes barres rocheuses qui protègent le Rocher des Enclaves, dont nous atteindrons le point culminant et sa borne géodésique, située à 2465 m. Ici, en travaillant, le vent a formé des reliefs dans la neige, durcie. La dernière partie de la montée aura nécessité l’utilisation des couteaux à neige. Au sommet, nous profitons d’une vue imprenable sur les sommets emblématiques du Beaufortain, au sud, et le massif du Mont-Blanc, au nord-est.
La descente s’effectue par le plan de la Mouille, à travers les pentes nord-ouest. La neige, plutôt stable et légère, offre un ski très agréable. Après un passage à pied acrobatique le long (dans ?) un ruisseau, nous débouchons dans un vallon. Celui nous révèle un relief accidenté et une végétation envahissante (satanés vernes !). Après ce passage ardu à faible allure, nous débouchons dans la forêt puis profitons d’une dernière belle pente vierge avant de regagner le point de départ. De retour à la voiture, le groupe partage ses premières impressions. Cette sortie aura permis à chacun de se familiariser avec la conduite de course. En plus de conditions très favorables, les traces apparentes auront facilité la progression. Pas le temps de niaiser, sur la route du retour, Bertrand suggère que la sortie du lendemain se tienne dans le massif des Aiguilles Rouges.
De retour au gite, c’est autour d’un excellent plat de lentilles-saucisses que notre groupe discute du programme du lendemain. A bout de force et rassasiés, les stagiaires ne font pas long feu. Le crumble aux pommes encore tiède aura donc une journée de sursis !
Réveil avant l’aube et petit-déjeuner rapide avant de décoller pour la commune des Houches. Le rendez-vous matinal avec Bertrand est fixé non loin de chez lui, sur le parking du Bettey, 1352 m. C’est à partir de ce point que commence l’ascension vers l’Aiguillette des Houches. Les conditions météo sont toujours favorables et l’étude du BRA plutôt simple pour une fois. Les premiers kilomètres consistent en une longue montée dans une forêt d’épicéas. L’itinéraire suivi, largement tracé, ne comporte pas de difficulté, ni de danger particulier.
Au niveau des Chalets de Chailloux, alors que la végétation se raréfie, le groupe entraperçoit l’antécime de l’Aiguillette des Houches. La suite consiste alors à longer la combe qui surplombe ce lieu-dit, jusqu’à rejoindre le collet. Les derniers mètres pour atteindre le sommet, raides et rocheux, sont effectués à pied, les skis sur le sac. Bien que le ciel soit légèrement voilé, la situation offre un large panorama comprenant notamment les Rochers des Fiz et le Mont-Buet, au nord, ainsi que le massif du Mont-Blanc, au sud-est.
Le versant nord-est du sommet donne sur le Plateau de Carlaveyron. L’épaisseur du manteau neigeux (entre 80 et 110 cm) se prête bien à la réalisation d’exercices de sécurité. Tour à tour, les stagiaires doivent porter secours à deux personnes fictives ensevelies sous une avalanche. A l’aide de leur Arva, leur sonde et leur pelle, ils s’entrainent à repérer les victimes et à les dégager dans un minimum de temps. La suite de l’atelier vise à examiner la stabilité de la neige afin de mieux évaluer le risque avalancheux. A partir de coupes réalisées dans le manteau neigeux à deux endroits différents, on analyse les différentes couches. L’étude de la couche fragile en dit long sur l’historique des précipitations et plus largement des conditions. En réalisant ensuite des tests en comprimant la neige à différentes intensité, jusqu’à obtenir une cassure, on évalue le degré de stabilité du manteau.
Après ces exercices de sécurité, le groupe, mené par Maixent, prend le chemin du retour. Depuis le collet, la descente s’effectue par par la Combe de la Vogealle, sur une pente orientée nord-ouest. Rapidement, l’itinéraire bifurque à gauche via Pierre Blanche, vers 1700 m environ, ce qui permet de retrouver un sentier forestier menant au parking. Une fois revenu au point de départ, les stagiaires, ravis de leur virée, organisent la fin de journée. Il faut restituer le véhicule de location et préparer le diner : ce soir, c’est tartiflette.
Pendant l’apéro, on fait le bilan de la journée et on prépare celle du lendemain. Bertrand propose de se rendre dans le massif des Aravis, plus précisément au Reposoir. Trois options de courses sont imaginées et discutées. On étudie le topo et la carte entre une bouchée et une gorgée de bière, alors que la plat termine de gratiner. Ce soir, le crumble aux pommes n’échappera pas à son sort.
6h. Dernier jour, déjà ! A peine debout, branle-bas de combat. Il faut vider le gite et faire un brin de ménage. On doit restituer le gite au propriétaire dès ce matin. Aujourd’hui, c’est Bertrand qui conduit le groupe jusqu’au Reposoir, avant une séparation prévue cet après-midi à la gare de Cluses. Mais d’abord place à la course du jour ! Alors que les stagiaires s’apprêtent, plusieurs véhicules arrivent. D’autres groupes ont visiblement ciblé ce même spot. Les premières longueurs se font dans le vallon, jusqu’au Sommier d’Aval. En cours de route, les options initialement envisagées sont abandonnées ; on leur préfère la Pointe de la Carmélite. Une fois au Sommier d’Amont, le groupe, emmené par Maud, oblique sur les pentes orientées nord-ouest en direction de la Pointe de Rouelletaz. Celle-ci est contournée par le nord, pour atteindre ensuite de belles pentes ouest qui mènent à la Pointe de la Carmelite (2477m, non nommée sur la carte IGN).
Une pause au sommet permet de savourer une belle récompense offerte par le panorama. A quelques centaines de mètres, la Pointe Percée domine une mer de nuage dont émerge, au loin, la Massif du Mont-Blanc. Pour la descente, le groupe opte pour une itinéraire légèrement différent, avec la Combe Marto. Certains passages comportant un danger requièrent de la méfiance et une progression à tour de rôle. Après de belles glissades dans une neige plutôt bien préservée, le groupe, sourire aux lèvres, rejoint la piste forestière pour terminer la descente.
16h. C’est à la gare de Cluses qu’un temps de retour d’expérience est organisé. Chaque stagiaire évalue sa satisfaction et fait part de son ressenti. Bertrand formule des observations et encourage à poursuivre l’apprentissage en multipliant les expériences. On fait les comptes. Mais déjà, le train entre en gare. Alors que le groupe se sépare, chacun à déjà l’esprit tourné vers les prochaines sorties…