L’arrivée prévue de l’escalade comme sport de démonstration aux JO de 2020 et de plein droit au JO de Paris en 2024, va probablement modifier la donne pour l’escalade en France et à Paris. Elle peut être une bonne nouvelle et contribuer à populariser notre activité ; mais elle entraîne aussi une transformation des politiques publiques qui la concernent.
Sans connaître l’avenir, on peut s’attendre notamment à :
La pratique de l’escalade par l’association de grimpeurs autonomes est notre choix de base. Pour autant nous ne sommes pas opposés à l’existence d’autres formes de pratique comme la prestation d’encadrement ?, la compétition dans les canons internationaux, et l’existence d’un secteur marchand.
Mais comme nous ne sommes ni naïfs, ni ignorants des effets possibles, nous pensons qu’il est nécessaire de nous organiser pour défendre et promouvoir nos options de grimpe associative.
Comment nos clubs peuvent-ils faire face à l’offensive qui se dessine, pour que nos pratiques continuent d’exister et d’inventer à côté des pratiques commerciales et de compétitions sélectives ? Comment rendre visible la diversité et la qualité de la grimpe associative, non-marchande et non-sélective ? Que faut-il mettre en avant, comment intéresser et associer le plus grand nombre de nos adhérents et de nos clubs ?
Nous avons reçu un texte riche et documenté de Gilles Rotillon1, militant de la FSGT, universitaire et économiste. Le texte, en pièce jointe, cerne bien les enjeux de notre question.
S’est également associé à notre groupe Frédéric Saly-Giocanti, militant de la FSGT (Grimpe 13) et chercheur au sein de l’ORME (l'observatoire pour la recherche sur les méga-évènements), collectif multidisciplinaire de chercheurs indépendants qui travaille sur l'appropriation et la réception des JO 2024 dans le milieu des grimpeurs et à la FSGT en général. Un questionnaire destiné aux grimpeurs est en construction par ce groupe.
Constat que la pratique de l’escalade, notamment en région parisienne, évolue d’ores et déjà notablement. Côté associatif, la FFME développe des prestations d’encadrement payantes sur les SAE parisiennes (10 séances pour 185€), avec le soutien de la Ville de Paris, qui l’a mandatée pour reprendre le dispositif « Paris Escalade Club ». Côté privé commercial, l’offre de salles notamment de bloc continue de se développer, et se répandent dans les projets urbains.
Être encadré et accéder aux lieux de grimpe par un droit d’entrée commercial tend à devenir la norme. Ces deux évolutions vont à l’encontre de ce que nous cherchons à promouvoir dans la grimpe associative.
Par ailleurs, aujourd’hui, c’est la FFME qui a été désignée en tant que fédération délégataire … . Si les formes compétitives envisagées aux JO (combiné vitesse + bloc + difficulté) deviennent la norme, il est à craindre que l’accès des clubs FSGT aux équipements municipaux soient revus dans cette logique : « Vous n’êtes pas inscrits dans la logique de préparation aux compétitions, donc vous n’êtes pas prioritaires pour accéder aux équipements ». Ce qui inverserait complètement la situation favorable que nous connaissons à Paris et en Île-de-France. Ainsi les organisations telles que la nôtre, qui proposent des formes de pratiques décalées du modèle dominant, risquent de se trouver écartées.
Même problème en ce qui concerne les projets de construction : les formes de compétition vont normer les SAE, et orienter ces projets. Or les SAE « de compétition » ne sont pas forcément adaptées à la grimpe pour tous ni aux scolaires. Dès lors, quelles conséquences possibles ? Soit les nouvelles SAE « de compétition » supplantent les murs accessibles à tous, et donc les clubs qui les gèrent pour le moment majoritairement. Soit ces SAE cohabitent avec des murs plus modestes. Ce qui permettrait de préserver nos clubs et leurs pratiques, à côté d’une pratique orientée vers la compétition ; avec toutefois pour effet pervers de cantonner la FSGT à des structures « limitées ».
Enfin, les questions posées par l’évolution de la pratique de l’escalade ne peuvent s’appréhender en dehors du contexte plus global du sport en France, marqué à la fois par l’approche des JO et par une poursuite du mouvement de libéralisation : baisse des moyens publics, orientation des moyens vers le haut niveau, création d’une agence du sport à la place de ou en concurrence avec les services déconcentrés du ministère des sports…
Pour défendre nos options de grimpe associative, il importe avant tout de dégager les lignes de force des clubs de notre fédération, de les formuler clairement et de construire un argumentaire permettant de faire valoir leur intérêt, pour le sport mais aussi au-delà pour la vie en société. La plus-value sociale de la grimpe associative FSGT s’exprime doublement :
au sein du club, par l’échange, l’autogestion des clubs, la vie associative véritable etc.,
vers l’ensemble de la cité, par l’aménagement des murs pour tous, les activés d’escalade solidaires, les tarifs abordables, l’absence de sélection, etc.
Par ailleurs, les formes de compétitions choisies tournent le dos au plein air ; à l’inverse nous conservons dans notre projet la volonté d’ouverture vers les milieux naturels – bloc, falaises, grandes voies, montagnes pour tous. Mais ce n’est pas forcément une spécificité de la FSGT (cf. CAF et FFME notamment).
Il est important de ne pas avoir une approche « corporatiste » limitée à la grimpe. Nous devrons être en lien avec tous ceux qui agissent pour que les JO soient profitables à toute la population : par exemple l’appel d’Ivry qui défend l’idée de JO pour tous et utiles à tous, mais aussi l’action de certaines fondations ou associations qui se mobilisent déjà, et vont renforcer cette mobilisation à mesure que les JO de Paris approchent.
Dans la même veine, il importe de ne pas appréhender les JO de 2024 uniquement sous un angle négatif. Il faut imaginer des initiatives populaires et festives, pour se positionner en tant que fédération la mieux à même de représenter le volet « sport pour tous » promu par les organisateurs des JO 2024 pour « vendre » la candidature de Paris. A cet égard, il faudrait identifier les bons interlocuteurs pour se présenter à eux.
Notre réflexion et nos actions devront prendre en compte la dimension paralympique des JO comme nous le faisons déjà un peu, dans nos initiatives de pratiques partagées. Pour beaucoup, la dimension paralympique est un « rajout charitable » ; pour nous elle est constitutive de la logique du sport pour tous.
Si nous critiquons l’orientation vers la priorité à la compétition et les formes choisies, nous ne sommes pas hostiles à la compétition comme l’une des formes possibles de pratique. D’ailleurs, nous investissons aussi ce domaine de la compétition comme un domaine d’expérimentation et d’invention, en recherchant des formes bénéfiques à la rencontre de tous (voir les contests qui n’éliminent personne).
Le tour de table confirme l’utilité d’un tel groupe de travail. Nous avons des raisons concrètes d’inquiétudes et tout autant de pratiques à défendre. Sur les modalités de l’action, les choses sont encore floues.
Nous devons envisager des actions à l’interne de la FSGT Île-de-France car il est évident que les 6 000 adhérents sont loin d’être au courant de ces enjeux. Mais il est probable qu’ils seront intéressés par ces enjeux qui les concernent de près et de loin.
Nous devons envisager des actions tant en direction de la population que des « responsables politiques » : associations ou organisations qui partagent tout ou partie de nos options, élus municipaux et régionaux…
informer les adhérents sur l’escalade aux JO : formes choisies et enjeux
rédiger un argumentaire qui montre la spécificité de la grimpe associative et ses apports aux grimpeurs et à la vie sociale
recenser les organisations qui partagent notre vision : faire des JO un événement populaire et une opportunité pour tous
articuler nos initiatives avec les autres lieux de la FSGT : la commission montagne escalade, la direction fédérale, les comités départementaux de l’Île de France
réfléchir à un ou des éventements sur la place publique avec la grimpe pour tous (mur et édifices) pour populariser notre projet
dans chaque club de banlieue et de Paris, inciter à des rencontres avec les élus municipaux pour faire connaître les pratiques de la FSGT, sa plus-value sociale et les enjeux des JO pour la grimpe associative : profiter des initiatives organisées pour les inviter ou demander des RDV aux élus concernés…
si vous souhaitez faire partie de ce groupe envoyez un mail à Philippe ou Fora
Flora Forjonnel USF : flora.forjo@wanadoo.fr
Philippe Segrestan roc 14 : segrestanp@gmail.com
1Gilles Rotillon est également l’auteur de « Alpinisme laisse béton », éd. Le Scarabée.
Questionnaire L'Université Paris-Est Marne-La-Vallée est à l'initiative d'un programme de recherches indépendantes, l'Observatoire pour la Recherche sur les Méga-Evènements (ORME), qui s'est donné pour objectif d'évaluer l'impact et la perception des Jeux olympiques de Paris 2024. Dans ce cadre, Frédéric Saly-Giocanti, grimpeur, militant associatif à la FSGT et chercheur en sciences sociales, vous propose de répondre à un questionnaire anonyme sur la perception des JO dans le milieux des pratiquants d'escalade. Prévoir un peu moins de dix minutes. |
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grpoupe JO grimpe asso CR du 4 février 2019.pdf | 131.77 Ko |
FSGT-Gilles_Rotillon-Escalade_et_JO.pdf | 92.22 Ko |