Mon premier Castet. Où il sera question, entre autres spécialités, de gave, de montagnon et de garbure.
J'avais envie de participer au rassemblement de Castet depuis un moment, et c'est cette année qu'enfin j'ai trouvé le temps. Ce qui m'a conduite là-bas, c'est d'abord la perspective de faire de la descente de canyon, mais aussi de découvrir un coin de montagne avec des camarades de la FSGT que je ne connaissais pas encore.
L'esprit du rassemblement a soufflé dès le TGV, puisque j'y ai rencontré par hasard trois compagnes de séjour qui demandaient au contrôleur si elles auraient leur correspondance. Comme elles cadraient avec le signalement – une femme et ses deux filles, on a causé. On s'attendait à devoir finir le voyage en voiture avec chacune deux valises sur les genoux et en retenant notre respiration, vu qu'on était toutes bien chargées. Ben en fait non, Tarabis et Delphine sont venus nous chercher en minibus ! On apprendra en route qu'il est prêté par les comités locaux 64 et 65, en plus du marabout, des frigos, des tables en plastique et de la plancha à gaz. À peine arrivée, Tarabis me présente à tout le monde et quelqu'un vient me dire qu'il y a un départ pour la falaise la plus proche, Arudy, et qu'il reste une place dans une voiture. Je découvre donc le joli calcaire prisu du secteur Vénus, où on retournera un peu plus tard dans la semaine. Une ou deux voies sont un peu patinées, mais ça reste très praticable, et les voies font quand même 30 à 35 mètres .
Le lendemain, c'est la légendaire météo de Castet qui se présente, avec une brume… dont on espère qu'elle se dégagera à mesure qu'on montera. Faux espoir, mais ce n'est pas grave, un petit groupe va crapahuter autour du Pic Lavigne, que Franck doit nous décrire puisqu'à aucun moment il n'est possible de l'apercevoir. À défaut de pic, on voit des cochons, des chèvres et des brebis, ce qui est déjà pas mal. Premier achat de fromage à la bergerie : avec Pascale, on se partage un quart de meule de chèvre de l'estive 2015. À la descente, un joli lac de barrage nous offre son eau même pas froide (c'est l'avantage d'être près du parking et pas dans un lac d'altitude). On sera finalement quatre à s'y jeter.
>Avec tout ça, plus l'apéro au camping le samedi et l'apéro à l'auberge du caviste (Louvie-Juzon) le dimanche, quand des ami·e·s débarquent le dimanche soir et me demandent depuis quand je suis là, je manque de répondre trois jours (en vrai c'était 30 heures).
Le lundi, l'ambiance est spéciale au camping parce que quasiment la moitié du groupe s'en va bivouaquer, qui au Pic d'Enfer, pour une grande randonnée, qui au Pic du Midi d'Ossau pour gravir ledit Pic en pyrénéiste, par la voie normale, ou en terrain d'aventure sur le contrefort. Comme je suis dans l'équipe du canyon pour le mardi, je reste à Castet et on retourne à Arudy faire quelques jolies couennes avec Lambert, tandis que quatre camarades vont explorer le secteur Sesto, plus en hauteur.
Mardi, c'est le grand jour : le canyon ! Fabrice nous a fait essayer les combinaisons la veille et annoncé qu'on partirait à sept heures direction la frontière espagnole. Les canyons qu'il a choisis sont le Barranco de Gorgol et Os Lucas, dans la région de Huesca : deux canyons qu'on est censés descendre en une heure chacun. Après une heure de route en lacets, on arrive sur un parking presque désert. Ouf, le but était d'arriver avant les groupes (ceux qui viennent à quinze avec des guides professionnels). Fabrice nous explique comment nous prééquiper : on se met en maillot de bain, en chaussures de marche, et on prépare une sorte de sac à dos avec la combinaison. Il fait frisquet donc on garde un t-shirt qu'on pourra conserver au sec dans un des bidons étanches (ça nous donne l'air plus urbains, tout de suite). Une petite marche d'approche sur un sentier désert nous conduit au bord du torrent, où on peut s'habiller pour de bon. Combi en deux parties donc, et baudrier spécial canyon (avec protège-fesse renforcé), vache double, et descendeur en huit pour les rappels. L'eau est fraîche mais le courant pas trop fort, on avance, Gustave devant (le plus expérimenté du groupe après Fabrice). Assez vite, on arrive à un premier dénivelé.
Fabrice nous dit qu'on a le choix entre le saut et le rappel, et Maxence annonce d'emblée qu'il sera de l'équipe rappel. Pas évident, ce premier saut : c'est pas seulement qu'il fait environ six mètres de haut, c'est aussi qu'il y a un bout de rocher qui dépasse en face (et si je saute trop loin?!), et que le départ est sévèrement incliné pour les pieds, au point qu'il faut se tenir à une main courante pour prendre le départ. Thierry hésite un peu, et optera pour le rappel. Du coup, à le regarder, c'est comme si j'avais déjà eu le temps d'hésiter et de décider : j'y vais d'un coup. Pas de problème à l'arrivée, je ne touche même pas le fond. La descente se poursuit avec des traversées, des petits sauts rigolos et un toboggan mignon comme tout avant le bassin final. Bilan de cette première descente : la roche est sublime, les parois ont des formes variées, mais… il fait un peu froid ! Ça tombe pas mal qu'on soit arrivés.
Retour à la voiture : on se dirige vers une clairière ensoleillée pour pique-niquer et se réchauffer. Et on se remet en route sans traîner en espérant éviter un peu les groupes dans le canyon d'Os Lucas. Celui-ci a des parois plus ouvertes, l'eau chauffe donc plus vite. Il a aussi des dénivelés plus importants : c'est marqué dans le topo en ligne, il y a un rappel de 30 mètres ! À cette occasion, on apprend aussi à lire les topos (sur descente-canyon.com) : quand ils disent 30 mètres de « longueur à simple de corde utile », ça veut dire qu'il vaut mieux une corde de 60. Oui parce que même si on descend que sur un brin, il faut bien l'autre pour rappeler (certes, il y a des aventuriers minimalistes qui font différemment mais on est des aventuriers prudents). La marche d'approche est un peu plus longue et plus raide. Dans ce canyon caractérisé par des couches de calcaire toutes plissées, assez spectaculaires par endroit, ce qui frappe c'est d'abord à quel point le rocher est adhérent : malgré tout le courant qui passe, on ne peut pas dire que ça soit patiné.
Vers la fin, un ressaut se franchit soit en toboggan, soit par un saut. Comme il y a un gros groupe devant, on aura tout le loisir de tester les deux. Là encore, deux sous-équipes se dessinent : les amateurs de toboggans, qui se lâchent dans le courant à l'aide d'un bout de corde qui pend, ne sont pas ceux du saut.
J'ai une préférence pour le saut : le rocher présente des marches qui forment comme un plongeoir, l'arrivée est large à souhait, c'est parfait ! En revanche, pour ce qui est du toboggan super raide dans lequel on ne contrôle pas sa trajectoire, une fois me suffira… En tout cas, c'est l'endroit idéal pour attendre notre tour. Les deux rappels finaux sont occupés par des groupes qui progressent lentement : ils ne sont encadrés que par un guide, qui contre-assure chaque personne depuis le haut. Au bout d'un moment, un relais s'est libéré, et c'est à nous.
Gustave passe devant, et arrivé en bas, il a pour mission de contre-assurer les moins aguerris, et de signaler par des coups de sifflet si la corde est libre ou s'il y a un problème. Le dernier rappel est le plus long et il est en plein soleil.
C'est très agréable de descendre comme ça : pas de nœud autobloquant qui risquerait de se coincer, juste un « huit » et trois manières d'installer la corde dedans selon le degré de freinage souhaité. C'est très fluide et on profite du paysage et des sensations.
La sortie s'achève avec glaces et bières à la frontière espagnole. Au camping, révisions de manips en prévisions de la grande voie du lendemain, en attendant de faire honneur à l'excellent poulet et légumes à la thaï préparé par Pascale pour tout le groupe.
Mercredi, grand soleil, c'est le jour choisi par quelques-un·e·s d'entre nous pour partir en grande voie à la Mâture, un site qui surplombe les Gorges d'Enfer du gave d'Aspe (gave ça veut dire rivière dans le Béarn). Le projet recommandé est la « Major », une voie en quatre ou cinq longueurs en 5C max, mais pas donnée et avec un équipement un peu espacé (disent les prédécesseurs sur Camptocamp). Florence et Margot y sont parties le matin. Avec Grégoire et Claire, vue l'heure, le soleil qui tape, et le but de l'opération (initiation grande voie pour G.), on se rabat sur la petite Zigzag. Il faut dire qu'il y a peu de voies entièrement sportives, le site propose beaucoup de voies mixtes, dans lesquels il faut compléter l'équipement par des coinceurs. La paroi est une très grande
dalle traversée horizontalement par un chemin creusé. Les voies se répartissent en haut et en contrebas. Comme il faut commencer par jeter son rappel, on met un peu de temps à trouver la voie, car on veut être sur·e·s de descendre au bon endroit. Une fois en haut, on est surpris·e·s d'être si vite arrivé·e·s (j'ai probablement sauté un relais), mais on n'a pas vraiment envie de faire plus vu la chaleur – ah bon, grimper sur une paroi au sud entre 14 et 16h, ça donne chaud ? On retrouve nos camarades revenues de la Major pour aller chercher un accès au gave, dans lequel on prend le frais joyeusement. S'il ne faut pas espérer y nager ou y sauter, le fond en gros galets ronds permet de se laisser aller dans le courant sans mal.
Le soir il y a un film projeté en plein air derrière la mairie « sur écran géant », annonce une affichette. Les Sillons de la liberté, de René Duranton, est le portrait d'un paysan breton qui fait de la polyculture vivrière avec des moyens rudimentaires. La tradition de projeter un film chaque année a été lancée avec la FSGT il y a quelques années, et désormais, cette initiative est complètement appropriée par le village, qui en plus offre un pot à la mairie après. Le récit du film et ses protagonistes ne font pas tout à fait l'unanimité et alimenteront les conversations des jours suivants. Désormais, on appellera « Jean-Bernard » un type très attaché à la répartition figée des tâches entre hommes et femmes...
Le jeudi, enfin une vraie météo de Castet comme on m'avait promis : il a plu toute la nuit, ça continue le matin, il va falloir adapter les activités si on ne veut pas passer la journée à boire des cafés sous le marabout. Thierry, qui est prévoyant, a proposé une visite de la grotte de la Verna, dans le Pays Basque. C'est une grotte gigantesque (il paraît qu'on peut y faire rentrer dix fois la cathédrale Notre-Dame-de-Paris), découverte seulement dans les années 50 par des spéléologues, au péril de leur vie. Pas un graffiti d'homme préhistorique là-dedans, mais seulement des projets fous : des étudiants ont organisé un voyage en Montgolfière, des slackeurs ont tenté de la traverser en high line. La voute lisse est faite d'un calcaire coloré en rouille et noir. Ça en jette. Notre guide restitue de manière passionnante les différentes étapes de la découverte du lieu, et la visite est bien scénographiée : des mannequins d'1,90 m placés à de nombreux points permettent de donner une idée de l'échelle – l'absence de lumière naturelle et l'irrégularité des formes font vite perdre tout sens des dimensions.
Le vendredi voit le retour du presque beau temps et des projets sur la journée. Après beaucoup d'hésitations, j'ai abandonné le groupe canyon pour partir sur les hauteurs herbues du Montagnon d'Iseye avec Florence et Christian. C'est une ascension avec plus de 1500 mètres de dénivelé, qui commence sur un GR, et se poursuit à travers des herbages très pentus, tantôt fleuris tantôt caillouteux. Comme il y a un projet d'auberge espagnole le soir pour « finir les restes », on ouvre l'oeil sur les choses comestibles qu'on pourrait cueillir. Christian semble bien s'y connaître en champignons, il repère des giroles à plusieurs reprises. Sinon, niveau myrtilles, il y a de quoi faire. On attend de vider nos boîtes à déjeuner pour pouvoir en cueillir. Plus on monte, plus l'herbe est haute – il y a bien des animaux qui paissent mais ils n'ont pas tout mangé. Au bout d'un moment, il faut mettre les mains. L'escalade sur cailloux humides, ça rappelle un peu le canyon finalement. On croise des chevaux et des vaches et on se demande bien comment ils ont monté ces pentes.
La fin de l'ascension fait passer au dessus d'un joli lac en forme de coeur, et marcher sur un sentier de crête qui soulage nos jambes fatiguées par l'ascension.
Descente dans les hautes herbes de nouveau, sur les pieds ou les fesses, au choix, et pique-nique au bord du lac – on regrette seulement qu'il fasse trop froid pour s'y baigner. Et course sur le GR pour arriver plus vite à la supérette et au camping : on a un projet soupe orties giroles et crêpes aux myrtilles pour le repas commun du soir. Il nous aura fallu 8h30 en comptant les pauses cueillette et photos (oui, j'ai commencé à apprendre à me servir du retardateur, on ne croisait pas d'humains pour nous prendre en photo tous les trois).
On termine la semaine sur un repas partagé abondant, varié et bien arrosé. La tenancière du camping a préparé une garbure, une grosse soupe complète aux légumes et au porc. Des camarades ont préparé la désormais traditionnelle sangria de canyon, dans un bidon étanche. Et Nora et Sianne ont composé un charmant chemin de table en fleurs des champs.
Je ne peux pas faire honneur à tous les plats mais il y avait quelques restes pour le petit déjeuner et le pique-nique du lendemain.
J'ai passé une belle semaine et j'ai envie de revenir pour réaliser de nouveaux projets, les récits des camarades revenant d'ici ou là donnant bien envie. Si on n'a pas réussi à trouver un moment pour faire un bilan avec tou·te·s les participant·e·s (on avait des invité·e·s le dernier jour ), les discussions avec les un·e·s et les autres laissent entendre pas mal de motivation pour rééditer le rassemblement. Certain·e·s semblent préférer faire cela à un autre endroit, mais pour ma part, c'est sûr que la vallée d'Ossau mérite encore exploration.
Florine
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