Promis, puis enfin annoncé par le président de la République, Emmanuel Macron, le 19 mai dernier, le Pass’Sport, une aide de 50 euros pour la prise de licence sportive, était fortement réclamé par le mouvement sportif. Si la mesure s’avère plutôt bien accueillie, ses critères d’attribution et ses modalités d’applications suscitent encore des interrogations quant à l’efficacité du dispositif. # Par Nicolas Kssis
> article paru dans Sport et plein air août-septembre 2021, à retrouver ici en version numérique.
> lire aussi la rubrique Juridique dédiée à ce dispositif ici.
Le président de la République a attendu le bon moment pour présenter le Pass’Sport qui se veut emblématique à la fois de son souci envers le sport de la population (et non pas seulement le sport professionnel, largement soutenu) ainsi qu’envers la jeunesse du pays. C’est ainsi à Pont-Sainte-Marie dans l’Aube, à l’occasion d’un déplacement consacré à «la reprise des activités sportives», en mai dernier, que la bonne nouvelle a été officiellement proclamée. La communication officielle explique de la sorte que nous sommes devant à la fois «une mesure de relance pour le secteur sportif associatif, mais aussi une mesure sociale destinée à offrir aux enfants et aux jeunes les plus défavorisés de notre pays l’accès à un cadre structurant et éducatif comme le club sportif peut en proposer».
Concrètement, il s’agit d’une aide d’un montant de 50 euros par enfant lors de la prise de licence ou d’adhésion dans un club affilié à une fédération sportive et ou à un association située en Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPPV). Elle est réservée aux 5,4 millions de filles et de garçons entre 6 et 17 ans, soit 3,3 millions de foyers, qui sont éligibles à l’Allocation de rentrée scolaire (ARS) et aux mineur·es bénéficiaires de l’Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). Elle sera opérationnelle dès cette rentrée 2021, et le gouvernement laisse entendre qu’elle pourrait être reconduite en 2022, même si cette possibilité ne laisse pas forcément entrevoir qu’elle puisse devenir pérenne. Son coût prévisionnel a été chiffré à hauteur de 100 millions d’euros qui seront gérés par l’Agence nationale du sport.
Elle fonctionne sur un mode assez simple. Lors de la prise de licence de leur enfant, les parents, sur présentation d’un document reçu par courrier, débourseront simplement 50 euros de moins, le club percevra en retour une compensation équivalente. Avec forcément une certaine appréhension dans des associations avec déjà des budgets sous tension en raison de la crise sanitaire. «On espère que le dispositif sera facile à mettre en place», confie Audrey Prieto, présidente de l’US Métro (us-metro.org, dont certaines sections sont affiliées en FSGT), «ce sera notamment à nous de faire l’avance de trésorerie et j’espère que l’État nous versera l’argent rapidement.» Les allers-retours entre le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le ministère en charge des Sports auront duré jusqu’au bout, par exemple sur la procédure de validation des structures associées au Pass’Sport. Finalement, l’Assemblée générale élective du CNOSF du 29 juin a voté une motion «pour exprimer son adhésion au Pass’Sport ainsi que son engagement à solutionner toute difficulté qui pourrait émaner d’un de ses clubs lors de l’accueil d’un jeune bénéficiaire du dispositif». Notamment en recourant à l'application monclubpresdechezmoi.com.
Portée nationale, impact limité ?
Un des points essentiels à souligner consiste dans le fait que cette mesure est nationale. Elle concerne l’ensemble du territoire en se fondant sur un critère social de sélection des bénéficiaires. Toutefois, elle sera cumulable avec les autres dispositifs qui existent déjà, soit proposés par les collectivités territoriales avec des formats et des montants variables - citons entre autres le cas du Pass’Sport Oise (oise.fr/passsports), quinze euros pour les moins de 18 ans sans conditions de ressources - ou encore les systèmes d’aides des Caisses d’allocations familiales, avec des niveaux et des périmètres fluctuant d’un département à l’autre (par exemple le Pass'sports-loisirs en Seine-Saint-Denis). Des aides qui peuvent par ailleurs englober l’acquisition de matériel ou de tenues. En outre, certains clubs ont, de leur côté, souvent déjà adopté des réductions sur les prochaines cotisations. Ainsi Audrey Prieto, précisait dans Le Parisien du 25 mai dernier, que son club a établi «un avoir de 50 euros à tous nos adhérents qui ont été pénalisés par les fermetures, à valoir sur la prochaine cotisation. Beaucoup de nos pratiquants viennent en famille, et même si nous proposons des tarifs dégressifs, nous savons que c’est financièrement compliqué».
Le Pass’Sport soulève malgré tout des interrogations, en particulier sur sa «cible» et ses modalités de mise en œuvre. Régis Juanita, député Génération.S de la Loire et Jean-Jacques Lozach, sénateur PS de la Creuse, pointent particulièrement ainsi la limite d’âge, dans une tribune publiée le 30 mai dans Le Monde : «Le public des étudiants de 18-20 ans qui après plus d’un an de crise sanitaire se trouvent pourtant dans une situation de grande fragilité sur le plan physique, de forte précarité financière, de détresse psychique et mentale est complètement ignoré.» Ensuite, pour qui maîtrise un peu les mathématiques euclidiennes, il existe un fossé entre le nombre de personnes qui peuvent potentiellement en profiter et le budget prévisionnel. La raison en est simple, comme semble le penser toujours les deux élus, «Bercy [le ministère de l’Économie et des Finances] anticipe en fait un “échec” du dispositif en avançant un taux de recours faible au Pass’Sport, de l’ordre de 30 % à 35 % avec une consommation des crédits a minima, d’où ce côté “usine à gaz” qui peut s’avérer dissuasif.» Pour résumer, dès le départ, il est prévu que plus de la moitié des bénéficiaires, n’y recourront pas, probablement d’ailleurs ceux ou celles qui en auraient le plus besoin.
Pass’Sport vs pass Culture
Dans cette logique, la comparaison avec le pass Culture (pass.culture.fr), dont la généralisation, sans critères sociaux, après une période d'expérimentation dans certains départements, a été également promulguée, s’avère significative. «Deux poids, deux mesures également dans les modalités pratiques», prolongent le député et le sénateur, «d’un côté, une application smartphone géolocalisée, a priori simple d’utilisation, pour le pass Culture, et de l’autre côté, un “coupon-sport” sous forme de courrier papier adressé par la Caisse d’allocations familiales aux familles concernées à partir du 13 juillet, ce qui est très tard par rapport au calendrier de reprise des licences en club avec des pré-inscriptions qui ont souvent lieu avant l’été...» De fait, les deux Pass paraissent surtout souligner une certaine inégalité de traitement entre les deux secteurs. Du moins, Patrick Bayeux, consultant en politique sportive, en semble convaincu comme on peut le lire sur son blog patrickbayeux.com : «Le lancement du Pass’Sport, deux jours avant le pass Culture par le président de la République était-il un passage obligé pour faire taire les critiques envers un dispositif moins avantageux, en tout cas moins généreux : 100 M€ / 240 M€. L’absence de parallélisme au moins sur les montants entre les deux dispositifs peut paraître provocant.»
Clément Rémond, co-président de la FSGT 93, précise pour sa part, dans Le Parisien du 25 mai, que s’il faut faut savoir profiter de cette opportunité, elle ne saurait effacer ou se substituer aux véritables enjeux de politique public : «La priorité est que les familles s’approprient le dispositif. Le nombre de nouveaux pratiquants qu’on va attirer est cependant difficile à quantifier, d’autant qu’on sera freinés par le manque d’infrastructures qui limite nos capacités d’accueil. Le manque d’équipement sportif est l’une des autres inégalités qui restreignent la pratique dans la Seine-Saint-Denis.» En effet, après cette période de pandémie et de restrictions sanitaires, et alors qu’on craint une crise économique dans la foulée, s’il est évidemment positif de vouloir aider les familles à inscrire leurs enfants dans un club, encore faut-il leur donner les moyens d’accueillir les pratiquants et pratiquantes dans les meilleures conditions, et pas seulement réaliser des effets d’annonces en présence de Youtubeurs. #